Protection De La Faune

L'exploitation illégale et non durable des ressources naturelles du Bassin du Congo constitue la principale menace pour sa biodiversité. Qu'il s'agisse des écailles de pangolin prisées notamment dans la médecine traditionnelle asiatique, des plumes de perroquet utilisées comme grigri de magie noire ou des défenses d'éléphant transformées en bibelots d'ivoire, les menaces qui pèsent sur la faune sont nombreuses et croissantes. La protection de la faune nécessite donc une approche adaptée, réactive et innovante, non seulement pour détecter et arrêter le braconnage, mais aussi pour l'anticiper et le prévenir.

Pendant longtemps, l'isolement géographique a protégé la forêt de Ndoki et sa faune. L'interdiction du trafic d'ivoire par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), peu avant la création du Parc National de Nouabalé-Ndoki, a contribué à ralentir le braconnage des éléphants dans la région.

Cependant, à la fin des années 2000, la situation s'est dégradée : la crise financière, associée à une demande accrue des marchés asiatiques pour l'ivoire et à l'accessibilité croissante de la forêt grâce à la création de routes par les exploitants forestiers, a provoqué une nouvelle vague de braconnage. Au plus fort de cette nouvelle vague, au début des années 2010, le partenariat public-privé créant la Fondation Nouabalé-Ndoki, a permis une nouvelle approche de lutte anti-braconnage renforcée pour répondre à cette menace. Depuis, le nombre d'écogardes du Parc a été multiplié par six. Le Parc a investi dans une meilleure formation et un meilleur équipement, afin d'aider nos écogardes à faire face aux menaces accrues. Des données récentes indiquent que ces mesures ont porté leurs fruits : à la fin de l'année 2021, aucun abattage illégal d'éléphants n'avait été signalé dans le Parc pendant six mois consécutifs, une période de tranquillité impensable quelques années auparavant.

Aujourd'hui, le nombre d'écogardes approche les 100. Une nouvelle base opérationnelle dédiée à l'application de la loi est en cours de construction, un programme de formation et de recyclage annuel a été consolidé, et les procédures opérationnelles sont en cours d'harmonisation dans l'ensemble du paysage Ndoki-Likouala. Des patrouilles multinationales avec des gardes forestiers des Parcs voisins de la République centrafricaine et du Cameroun sont régulièrement organisées pour limiter le trafic transnational.

Néanmoins, le braconnage continue d'évoluer et de se transformer. Les braconniers semblent se concentrer de plus en plus sur les petits gibiers afin d'approvisionner en viande sauvage les centres urbains en pleine expansion de l'Afrique centrale. Les techniques de chasse évoluent également et les pièges à gibier en câbles métalliques se multiplient à un rythme effréné.

Pour faire face à ces évolutions, la formation des écogardes continue de se développer, en mettant de plus en plus l'accent sur les droits de l'homme, les premiers secours, les techniques de combat, les technologies de communication et les procédures d'enquête, afin de s'adapter à l'évolution du secteur.

Opérer dans la forêt tropicale est particulièrement difficile. Sous la dense canopée et dans l'épais sous-bois, les braconniers peuvent facilement se dissimuler. Pour optimiser son impact, le Parc s'appuie sur le renseignement, étudie le modus operandi des braconniers et des trafiquants, et analyse les stratégies d'accès au Parc, afin de diriger et de cibler les patrouilles anti-braconnage pour consolider ses points perméables.

Cette approche fondée sur le renseignement s'appuie sur des technologies de conservation qui rendent le travail des écogardes plus efficace :

  • Les signes d'activités humaines illégales dans le Parc sont recueillis par les patrouilles et analysés à l'aide de l'outil SMART (Spatial Monitoring And Reporting Tool), qui permet de cartographier les menaces et les activités, permettant ainsi de comprendre les tendances. L'utilisation de SMART, harmonisé au niveau national, facilite également la collaboration avec les aires protégées voisines. La salle d'opérations du Parc chargée de l'application de la loi est également équipée d'EarthRanger, un logiciel qui combine les données en temps réel des patrouilles d'écogardes, l'imagerie satellite et divers capteurs afin de fournir des informations de surveillance permettant d'optimiser les stratégies de lutte contre le braconnage ;
  • L'installation en cours d'un système de communication VHF permet une communication radio en temps réel entre tous les sites à travers le paysage nord du Congo, relié aux unités d'écogardes en patrouille à l'aide de kits portables. Additionellement, le Parc s'appuie sur un programme de lutte contre le trafic de produits fauniques, opérant dans tout le pays. Ce programme joue un rôle essentiel dans l'identification et le démantèlement des réseaux criminels responsables du braconnage des éléphants, du trafic d'ivoire et d'autres produits fauniques, en veillant à ce que les braconniers et les trafiquants soient poursuivis en justice, et en envoyant un signal dissuasif fort aux criminels qui s’en prennent à la faune.

Lutter contre le braconnage nécessite une approche holistique visant à créer de meilleures conditions pour les personnes vivant dans la région afin qu'elles n'aient pas à recourir au braconnage. Pour y parvenir, il faut avant tout sensibiliser la population à l'importance des écosystèmes du nord du Congo. Le Club Ebobo, une initiative presque aussi ancienne que le Parc lui-même, lancée par des chercheurs passionnés par la faune, s'efforce de transmettre cette passion aux jeunes générations des villages proches du Parc.

Le Parc peut également compter sur des initiatives opérant dans sa zone périphérique, comme le projet Sustainable Wildlife Management (SWM) mis en œuvre par la WCS, qui intervient dans toute la zone de Ouesso, y compris dans les villages proches du Parc, comme Kabo. Le projet SWM vise à renforcer le cadre institutionnel et juridique relatif à l'usage de la faune sauvage, à sensibiliser au concept de durabilité et à développer une gestion adaptative des ressources naturelles en conjonction avec le développement d'activités génératrices de revenus.

Dans la même zone géographique, un autre projet innovant de la WCS, basé à Ouesso, s'efforce de développer l'industrie avicole de la région afin d'accroître la disponibilité des protéines domestiques, de soutenir les changements d'habitudes alimentaires et de réduire ainsi la pression de la chasse et le niveau non durable de l'exploitation de la faune.